Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/59

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fut condensée, comme sur une lame d’airain, par le philosophe Blanc de Saint-Bonnet, toute l’expérience des siècles.

C’est-à-dire qu’à l’extrémité du dernier rameau d’un grand arbre élu par la foudre, pend toujours un fruit de délectation ou d’épouvante en qui l’essence précieuse fait escale avant de disparaître à jamais.

Quand il s’agit d’une sève glorieuse, comme dans le cas de notre Lazare, le douloureux être chargé de tout assumer, n’est pas seulement le support unique des splendeurs ou des misères, des joies divines ou des deuils profonds, des abaissements ou des triomphes accumulés par tant d’ancêtres. Il faut encore qu’il porte le Rêve de tout cela, qu’il le porte dans le long, l’interminable désert, « de l’utérus au sépulcre », sans qu’une âme puisse le secourir ou le consoler.

Il lui faut subir le miraculeux et redoutable héritage d’une poitrine houleuse de tous les soupirs des générations dont le nom même agonise…

Et ce n’est pas tout, ― ô mon Dieu ! ― car voici le gouffre des douleurs.



La destinée de Lazare fut si extraordinaire que sa vie parut comme un raccourci de l’histoire même de la Race altière dont il était la suprême incarnation.