Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/155

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style en débâcle et innavigable, qui avait toujours l’air de tomber d’une alpe, roulait n’importe quoi dans sa fureur. C’étaient des bondissements d’épithètes, des cris à l’escalade, des imprécations sauvages, des ordures, des sanglots ou des prières. Quand il tombait des un gouffre, c’était pour ressauter jusqu’au ciel. Le mot, quel qu’il fût, ignoble ou sublime, il s’en emparait comme d’une proie et en faisait à l’instant un projectile, un brûlot, un engin quelconque pour dévaster ou pour massacrer. Puis, tout à coup, il redevenait, un moment, la nappe tranquille que la douce Radegonde avait azurée de ses regards.

Quelques-uns expliquaient cela par un abject charlatanisme, à la façon du Père Duchesne. D’autres, plus venimeux mais non pas plus bêtes, insinuaient la croyance à une sorte de chantage constipé, furieux de ne jamais aboutir. Personne, parmi les distributeurs de viande pourrie du journalisme, n’avait eu l’équité ou la clairvoyance de discerner l’exceptionnelle sincérité d’une âme ardente comprimée, jusqu’à l’explosion, par toutes les intolérables rengaines de la médiocrité ou de l’injustice.


XXXIV


Maintenant, il se retournait décidément vers l’histoire. Elle avait été sa plus grande ambition et son plus fervent amour intellectuel. Depuis son enfance,