Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/271

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depuis longtemps. Tout le monde est parfaitement certain que les ordures seules te plaisent et que tu es incapable de prendre tes images ailleurs que dans les latrines ou les dépotoirs, — où l’on soupçonne généralement que tu as ta serviette et ton rouleau. Ce titre, par conséquent, n’étonnera personne. Quant à moi, j’avoue qu’il me plonge dans le ravissement !

— Tu as peut-être raison, répondit en souriant Marchenoir. Mais il est temps de partir. Véronique s’est donné quelque mal, je crois, pour nous faire à dîner ce soir. Elle tenait à un repas de famille, comme elle appelle notre réunion, la chère créature. Vaugirard est loin et l’heure très précise. Gardons-nous de la faire attendre. Les deux amis se levèrent à l’instant et partirent.


LII


Dans la rue, ils décidèrent d’aller à pied. On était en février et le froid sec de la nuit commençante leur plaisait. Marcher dans Paris, en compagnie d’un être à qui l’on peut tout dire, est un plaisir assez rare, dévolu à quelques artistes sans gloire, dont les heures ne sont pas aisément monnayables. Ils revinrent à l’éternel objet de leurs pensées intimes, à Véronique, puisqu’on allait précisément la revoir et passer ensemble quelques heures auprès d’elle. Ce fut Marchenoir qui commença d’en parler, Dieu sait avec quelle tranquillité et quel discernement !