Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/277

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més et fondus dans l’unique pensée d’un Sauveur, qu’il n’y avait plus moyen de les séparer, pour cette âme naïve, qui ne croyait pas trop payer la récupération de son innocence, en déversant toute la gloire des cieux sur la douloureuse ressemblance humaine de son Rédempteur !


LIII


— Allons, messieurs, à table ! vint dire Véronique aux deux amis en train de contempler les Pyramides par la fenêtre de la chambre de Marchenoir. C’était pour Leverdier une habitude déjà ancienne de manger à la table de ses amis. On se réunissait ainsi deux ou trois fois par semaine, sans compter l’imprévu des arrivées soudaines de ce brave homme, dont la présence était toujours considérée comme un bienfait.

En cette circonstance, la ménagère avait tenu à se surpasser, en offrant à ses convives un menu fort supérieur à l’ordinaire presque frugal de leurs festins. Elle voulait que ce dîner fût une véritable fête de bienvenue pour chacun d’eux, que des émotions et des sentiments divers avaient, un instant, paru séparer des deux autres.

Le fait est qu’on les aurait crus tous trois revenus de diablement loin, et le commencement du repas n’alla pas sans une assez forte contrainte. Quelque soin que prît Véronique d’égarer l’attention de ses hôtes, ses nouvelles et gauches façons de manger,