Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/318

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nat. Telles sont les deux clefs par lesquelles il est entré dans son paradis actuel.

Aimé d’un aveugle maître qui crut, sans doute, à l’aurore d’un génie naissant, non seulement il lui soutira une nouvelle fameuse, écrite presque entièrement de la main du vieil artiste et qui, signée du nom Vaudoré, commença la réputation du jeune plagiaire ; — mais, après la mort du patron, il répandit par le monde que ce défunt l’avait engendré, n’hésitant pas à déshonorer sa propre mère, que le progéniteur supposé ne connut peut-être jamais. Au moyen de ces industries, il parvint à se remplir d’un atome vivifiant de la gloire d’un des romanciers les plus puissants sur les générations nouvelles, et il hérita de tout son crédit.

Un aussi démesuré triomphe ne suffisant pas encore à ce pédicule de grand homme, il inaugura le sport fructueux de l’Étalonnat. Jusqu’à ce novateur, on s’était contenté de faire l’amour vertueusement ou paillardement, mais dans l’obscurité convenable aux salauderies préliminaires de la putréfaction. Quand on sortait de cette ombre, comme fit le marquis de Sade, c’était pour attenter délibérément à quelque loi d’équilibre primordial, en risquant sa vie ou sa liberté. Le bâtard volontaire ignore ce genre de grandeur, comme il ignore tous les autres. Il a simplement imaginé de forniquer, de temps en temps, par devant expert, pour obtenir un renom d’écrivain viril et subjuguer la curiosité des femmes. Remarquablement doué, paraît-il, ce romancier ithyphallique a colligé les suffrages des arbitres les plus rigides, et les princesses russes les plus retroussées sont accourues, déferlantes et pâmées, du fond des