Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

âme de goëland », — ainsi qu’il le déclare lui-même, — se tuméfie de bonheur à la seule pensée qu’on le reçoit au salon chez les bons youtres, qu’il prend sincèrement pour la plus haute aristocratie, puisqu’ils ont l’argent.

Il venait justement de publier, sous le titre amorphe de Péché d’amour, un recueil de centons moraux et psychologiques ramassés partout, qu’il avait dédié à une renarde juive, dont Samson lui-même aurait renoncé à incendier l’arrière-train, et dont il portait les bagages par toute l’Europe, — quémandeur dolent d’une infatigable cruelle qui lui faisait expier l’atroce meconium de ses déprécations amoureuses par le plus géographique des châtiments éternels !


LIX


Marchenoir aurait bien voulu pouvoir s’en aller. Il prévoyait trop les abominables heures qu’il allait passer. — Quel amas de voyous ! se disait-il consterné. Il va falloir pourtant que je me mêle à tout ça, que je parle, que je mange aussi, que je fasse une trouée dans le dégoût dont ma bouche est pleine, pour y enfourner les aliments qu’on va m’offrir !

Il vit avec désespoir qu’il n’y avait pas devant lui un seul être avec lequel il pût échanger trois paroles sans laisser éclater son mépris.

Un tel merle blanc n’était, certes pas, ce normalien blondasse et barbu, l’homme à l’œil qui verse,