Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/323

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heureux expirant de faim, — j’ai une si bonne cuisinière ! »

La solennité stérile, la morgue constipée, la dureté basse de ce mulet de la chronique, avaient le don d’irriter au plus haut degré Marchenoir. Puis, il savait l’effarante ignominie de sa vie privée et la honte, à faire beugler, de son mariage !…

— Ne pourriez-vous, dit-il à Beauvivier qui vint à passer, me faire dîner sur une petite table séparée, ou m’envoyer simplement à la cuisine ? Je vous assure que je ferais de bon cœur la connaissance de vos domestiques.

— Mes convives vous dégoûtent donc terriblement ? Vous êtes un fauve bien délicat ! C’est pourtant le dessus du panier qu’on vous offre !… Mais voyons, vous m’y faites penser. À côté de qui voulez-vous que je vous place, ou plutôt, à côté de qui tenez-vous absolument à n’être pas ? Vous m’aurez déjà à votre gauche. Mon voisinage vous répugne-t-il ? Non. Qui mettrai-je maintenant à votre droite ? Parlez, il est encore temps.

D’un regard circulaire, Marchenoir tria la chambrée.

— Placez-moi donc à côté de ce loucheur, répondit-il, en désignant Octave Loriot dans la profondeur d’un groupe. Celui-là, du moins, n’est qu’un imbécile.

Octave Loriot n’est, en effet, qu’un imbécile. Les analyses de la critique la plus attentive n’ont pu dégager un autre élément de la pulpe cérébrale de ce romancier pour dames. Il cuisine loyalement son petit navet au macaroni, selon les inusables formules d’Octave Feuillet, de Jules Sandeau, de Pont-