Page:Bloy - Le Désespéré.djvu/325

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massait respectueusement autour de Valérien Denizot, l’officier à monocle de la cavalerie légère du journalisme. Sacré homme de lettres par Dumas fils, le grand archonte, et vraisemblablement né pour autre chose, Denizot est le plus universel raté de son siècle. Raté de la poésie, raté du roman, raté du théâtre, raté de la politique, raté même de l’amour, ayant été cocufié à Lesbos, — ce qui est un cocuage sans espérance.

On ne connaît, à Paris, que le seul Bergerat qui puisse lui être comparé comme manant de l’écritoire. Encore, Bergerat fut-il rageusement vernissé de littérature par son beau-père, Théophile Gautier, dont la voluptueuse bedaine avait, dit-on, des entrailles répulsives pour ce théâtrier et ce fils de prêtre.

Denizot, lui, se passe très bien de littérature. Il est un manant sans mélange, un goujat complet, — à table surtout, quand il boit du vin du Rhin pour se donner l’air d’un burgrave. Les femmes sont obligées, alors, de prendre la fuite. Ce vieux gavroche n’a jamais soupçonné qu’il pût exister autre chose que des filles ou des brelandiers, car il est prince du tripot, comme il est roi de la basse blague, ayant été rétribué de ses services de spadassin de plume et de ses fonctions de torcheur privé de Waldeck-Rousseau, — dont il eut le génie de déshonorer un peu plus le ministère, — par un diplôme de chevalerie et le juteux octroi d’une cagnotte.

L’esprit de mots tant vanté de Valérien Denizot est puisé à une source difficilement tarissable. Il possède une bibliothèque Alexandrine de calembredaines, d’anas, de recueils grivois, de compilations burlesques. C’est à n’en jamais voir la fin. Il ne tient