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le ramasseur de crottin

À ce moment-là, une faible partie du 15e corps, quelques escadrons seulement de forces vives auraient suffi pour l’écrasement de cette racaille sur le parcours de trois lieues. Deux mille hommes en auraient sabré dix mille avec la désinvolture la plus ravissante.

Mouche-à-Caca le comprit instantanément. Mais comment faire ? Où l’aller chercher, cet insaisissable général, ce porte-tonnerre qui pouvait lancer le carreau d’un régiment de cavalerie sur la fripouilleuse multitude ?

Il essaya tout d’abord de courir en sens inverse des fuyards. Mais ses pauvres guibolles de tortillon, surmenées déjà, le trahirent. Alors écumant, pleurant de rage, le désir de posséder un cheval quelconque le mordit au cœur. Un cheval ! ce qu’il avait aimé le plus au monde ! Tout le crottin de l’univers pour un cheval !

Ce ne fut pas long. Désarçonner un hussard malade en se suspendant à l’une de ses bottes, sauter à sa place, tourner bride et lancer la bête à fond de train, fut l’œuvre admirablement réussie d’un instant très court.

Deux ou trois coups de fusils le saluèrent inutilement et sans conviction. Chacun avait assez à faire de sauver sa peau.

Arrivé aux avant-postes français :

— Qui vive ?

— Ami.

— Y a pas d’ami, faut me donner le mot.