Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/141

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exceptionnels, tels que l’assaut d’un étroit ravin, sous le feu de puissantes batteries, que les cadavres s’amoncellent.

Pour ce qui est des blessures, je ne puis vous dire que ceci. Le peintre assez audacieux pour être exact passerait pour une brute immonde et serait infailliblement accusé, même par les soldats, de manquer de patriotisme.

Bref, j’avais roulé par terre au milieu de la bataille. Abruti, assourdi par le vacarme diabolique, incapable d’une idée précise, je dus demeurer longtemps immobile, presque sans souffrance, avec le souvenir vague d’un énorme coup de bâton sur la jambe gauche.

Le crépuscule tombait et le canon ne s’entendait plus déjà qu’à de longs intervalles et de plus en plus lointain, lorsque je vis arriver les Prussiens. Nous étions battus une fois de plus, évidemment, puisque ces animaux s’emparaient de nos positions.

Ah ! j’en ai vu passer du cuir bouilli, des plumes vertes aux chapeaux saxons et des casques wurtembergeois à double visière. Il y avait, je crois, des Poméraniens, des Silésiens, des Polonais, des uhlans noirs, des hussards rouges, des jean-foutres venus du tonnerre de Dieu.

J’ai vu défiler des régiments d’infanterie avec la tunique bleu sombre et le shako d’un noir brillant orné de l’aigle et de la cocarde prussienne blanche et noire ; puis des artilleurs bavarois à