Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/148

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tonniers pour franchir le moindre intervalle et on ne réussissait pas toujours à passer d’une tente à une autre. On pouvait mourir en chemin.

L’Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord et le Morbihan grouillaient dans un marécage. La Loire-Inférieure et le Finistère agonisaient dans dix pieds de fange.

Le silence était trop facile. La vase enlize le bruit aussi bien qu’elle enlize un homme, et la foudre même, quand elle s’y égare, devient presque aphone, a l’air de tousser.

Si le général en chef épouvanté, navré de douleur, indigné profondément de l’inertie ou de l’obstination du ministère, et lui-même soupçonné par ses propres hommes de cette effroyable conspiration contre la Défense nationale, n’avait, à la fin, pris sur lui l’évacuation de ce lieu de mort, le silence, bientôt, eût été vraiment absolu.

Cette foule immense, éclaircie déjà d’un sixième, se fût couchée définitivement dans la crotte liquide qui semblait monter toujours, et les historiens de la guerre franco-prussienne auraient eu à enregistrer une bataille de plus, la grande victoire de la Boue remportée sur toutes les forces vives de la Bretagne.

« Le camp de Conlie confine à la politique », écrivait M. de Freycinet, valet de bourreau du Cyclope. On n’a jamais su pourquoi. Mais il n’en fallut pas davantage pour décider du sort de ces pauvres diables extirpés de leurs familles, chauffés à blanc sur le devoir de se faire démolir en