Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On essaya pourtant de jouir dans ce marécage. En attendant les quelques escadrons de uhlans ou les deux ou trois compagnies d’artillerie bavaroise qui pouvaient suffire amplement à l’extermination de cette armée sans fusils, sans tête et surtout sans pieds, le camp était assiégé par une autre armée de marchands de cidre dont les charrettes innombrables chargées de tonneaux eussent dû être réquisitionnées avec violence pour le baraquement ou le chauffage des moribonds.

Il y avait aussi des femmes, et quelles femmes ! venues, on ne savait d’où, qui compliquaient de leurs ferments la putridité générale.

C’était une chose à dépasser l’imagination, de voir ces créatures maquillées et vêtues de fange, s’accoupler, dans des coins fétides, avec d’impurs marcassins ruisselants de liquides noirs, jusque sous le nez tolérant de sous-officiers caparaçonnés eux-mêmes d’immondices.

Il y avait surtout, et l’histoire en est surprenante, une fille protégée par un vieux tringlot gardé, je crois, par pitié, et qui pourrissait à vue d’œil. L’aspect seul de ce chevalier de la couperose et de l’eczéma, muselé de croûtes perpétuelles eût dû être, pour les amateurs de sa compagne, le plus efficace des prophylactiques.

La vue même de cette compagne semblait, tout