Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/222

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département de l’Orne, les Prussiens ayant vu mourir un de leurs plus jeunes officiers, fort aimé d’eux, paraît-il, avaient inventé de l’enterrer clandestinement, selon leur coutume, dans une auge en bois, une auge à cochons trouvée dans l’étable d’un paysan.

Ils l’avaient donc étendu dans ce bizarre cercueil, l’épée au côté, et avaient couché près de lui, sur la terre nue — comme un garde du corps pour l’éternité — un simple soldat tué le même jour. Le sol avait été soigneusement tassé sur la double tombe et l’emplacement marqué avec la plus grande précision.

Deux mois après, le lendemain même de la signature de l’armistice, trois Allemands vinrent, avant l’aube, visiter l’endroit funèbre et trouvèrent, à côté de la fosse ouverte exhalant une insupportable odeur, la Salamandre accroupi sur les deux cadavres dont il mutilait, en ricanant, la putréfaction.

Teterrima facies dæmonum !… L’apparition de cette effroyable face dans de telles circonstances, à une telle heure et dans un tel lieu, dut être terrible sur ces barbares, car le médecin déclara que l’un des Allemands était mort foudroyé de la rupture d’un vaisseau.

Quant aux deux autres, ils donnèrent bravement tout ce qu’ils pouvaient avoir de sang dans les veines et leurs corps percés de coups furent détachés à grand’peine du cadavre contracturé de la Salamandre-Vampire.