Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/265

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de ne rien apprendre du tout et d’assister au commencement de cette nuit froide qui allait s’acharner avec tant de cruauté sur les pauvres blessés tombés au milieu des champs, que nul chrétien n’irait secourir.

— Ô Jésus agonisant ! Bonne Sainte Vierge qui pleurez toujours, se pourrait-il que mon enfant fût au nombre de ceux-là ? La malheureuse vieille sanglotait dans les ténèbres.

Elle aussi était bien abandonnée. La jeune fille qui la soignait ordinairement n’avait pas reparu depuis midi et c’était un autre sujet d’angoisse.

Pour sûr, il lui était arrivé malheur. Intrépide et forte comme on la connaissait, elle avait voulu sans doute porter assistance à quelque victime et avait dû attraper un mauvais coup, car on savait que les Prussiens ne se gênaient guère pour tirer sur les femmes.

Ainsi donc, la vieille mère allait rester seule toute la nuit, sans une âme qui eût pitié d’elle. Son feu s’était complètement éteint depuis longtemps. Un froid noir entrait dans la chambre et tout lui manquait à la fois.

Les voisins avaient l’air d’être morts. Pas une lumière dans le village, pas un mouvement humain. Le grand silence dans l’obscurité…

Elle essaya de s’expliquer à elle-même, de se