Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/266

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persuader que son André ne pouvait pas être mort, qu’il ne pouvait pas non plus être blessé et que tout le mal était dans son imagination. Elle n’y parvint pas. L’inquiétude, les pressentiments funèbres persistèrent et se prévalurent de son impuissance. Le serrement de cœur devint effroyable.

Ah ! si ses pitoyables jambes, mortes depuis deux ans, avaient pu encore la soutenir, une heure seulement, comme elle serait partie de bon cœur à la recherche de son garçon, de son bon garçon de fils qu’elle avait si religieusement béni le matin, quand il avait tenu à partir !

S’il souffrait quelque part, elle saurait bien le trouver, le pauvre petit ! Toute sa force d’autrefois lui reviendrait pour l’emporter dans ses bras, comme lorsqu’il avait vingt mois et qu’il commençait à parler.

Jamais il ne lui avait fait la moindre peine. C’était un homme doux qui vivait en paix avec tout le monde. Et pourtant la vie ne lui avait pas été bonne. Trahi et abandonné par sa femme qui s’était enfuie après quelques mois de mariage, il ne s’était pas abandonné lui-même. Il avait eu la force de garder tout son noble cœur, ne vivait plus que pour sa mère, subsistant, avec une grande simplicité, de ses modestes fonctions et n’ayant le désir d’affliger personne.

Mais maintenant, mon Dieu ! s’il pouvait encore se traîner, pourquoi donc ne rentrait-il pas ?

Épuisée d’inanition et de tourment, elle était