Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il lui montrait un gros fantassin de Bavière, immobile au milieu de la route et gardé comme un trésor par deux volontaires armés jusqu’aux dents. — Eh bien, on l’a ramassé, il y a huit jours, dans la forêt, du côté d’Ingrannes, à moitié crevé. Il paraît que c’est un paysan dont il essayait de prendre la femme qui l’a arrangé comme ça, à grands coups de serpe dans la figure. Mais ces animaux ont la vie dure. On l’a recollé à l’ambulance, et maintenant il est aussi solide qu’avant cette petite leçon de politesse. Tu vas prendre un homme avec toi et vous me le conduirez à Loury, où le général en fera ce qu’il voudra. Le bataillon n’a pas besoin de ce subsistant. On t’a désigné pour cette corvée, parce que tu as de la poigne et de la jugeotte quand tu n’es pas soûl. Le bougre a déjà essayé de filer et le commandant croit qu’il a ses raisons pour ça. Ainsi donc, ouvre l’œil et si ton prisonnier fait le malin, tu m’entends…

— Suffit ! mon lieutenant, on livrera le bijou franco et à domicile. Ce n’est pas encore ce gros rapiécé qui se paiera ma fiole, je vous en réponds.

L’aspect du captif justifiait amplement cette sollicitude. C’était une espèce de géant, un de ces colosses de chair comme l’Allemagne en a tant versé sur la France, une brute magnifique dont la charogne, semblait-il, eût fertilisé tout un arpent.

La correction maritale et zélotypique dont avait parlé l’adjudant était écrite en caractères horribles sur sa face tuméfiée, purulente, quadrillée de spa-