Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/304

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dont la jeune gloire éclatait déjà et ce fut un concert unanime d’invocations comme on n’en avait jamais entendu.

Chaque fois que le Prussien remettait sa botte sur les plaies vives d’un peuple dont il est naturellement le domestique, l’âme en agonie de plusieurs millions d’infortunés se réfugiait dans les deux syllabes comme dans une forteresse.

Les mourants de misère et les mourants de désespoir, les blessés, les charcutés, les brûlés vivants, les moribonds abandonnés au milieu des champs, par les nuits glaciales, tous murmurèrent ou vociférèrent le Mot vengeur.

Il s’envola de clocher en clocher comme l’aigle de Napoléon, se posa sur le pinacle des monuments les plus altiers, se déposa même à leur base et le long des murs croulants de soixante villes bombardées.

Les vaincus irrésignés à l’inacceptable déconfiture, mais contraints de la subir, se plastronnèrent le visage des colliquations de leur dégoût pour que, du moins, la crapule des triomphateurs ne vît pas leurs larmes.

Quelqu’un pense-t-il qu’une guerre aussi malheureuse avec l’Espagne, par exemple, ou les habitants hypothétiques de la lune, aurait pu déterminer un tel besoin national de s’évacuer ?

Nous subîmes alors et nous subissons encore l’effrayante loi de l’affinité des turpitudes.

Surmontés, pour le châtiment de nos vieux