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le bon gendarme

des juges, il avait l’air de considérer tout individu non désigné par quelque mandat, comme un désirable gibier d’écrou, mis en réserve pour d’ultérieures arrestations, et la sainteté même, en la supposant rencontrable dans le Loiret, n’eût été pour lui qu’un état précaire, anormal, et par conséquent suspect.

En sa présence, les vagabonds se croyaient sous l’œil de Dieu et on racontait qu’un jour le curé d’un village où il avait opéré victorieusement contre un malheureux bandit, le compara, du haut de la chaire, à l’ange exterminateur lancé par le Sabaoth sur l’armée de Sennachérib.

Lorsque la guerre éclata, il avait pris enfin sa retraite et vivait sans gloire dans un pavillon d’aspect sépulcral, sur la lisière de la grande forêt d’Orléans, du côté de Pithiviers.

On l’assimilait désormais à une bête sauvage et, certes, on aurait perdu son temps à chercher un autre personnage aussi malgracieux. Ayant quitté le service très tard et fort à contre-cœur, après avoir épuisé tous les moyens de retarder une mise à pied que nécessitait son grand âge, il végétait, hargneux et solitaire, dans une ignorance admirable de tout ce qui s’accomplissait au delà de son seuil.

N’ayant plus à molester aucun chenapan, sa