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barbey d’aurevilly espion prussien

Le Dragon des massacres imbéciles n’aurait pu choisir, d’ailleurs, un plus favorable instant, car la circonstance d’une vicissitude politique des plus graves, — admirablement oubliée depuis, — avait fait sortir de leurs demeures un très grand nombre de citoyens exaltés.

L’invariable jurisprudence des rétributions pénales exercées par la multitude pouvait-elle, en cette occasion, se démentir ? Sans que nul songeât à s’informer de quoi que ce fût, avant même qu’on eût eu le temps d’apercevoir le malheureux qu’une abominable salope accusait du plus exaspérant de tous les forfaits, — en une minute, cinq cents langues, cinq cents groins altérés, sans le savoir, du plus noble sang qui coulât en France, clamèrent la mort de cet inconnu qui vendait Paris aux envahisseurs.

Seul contre tous, pâle d’indignation, pâle de honte, pâle de mépris, pâle aussi, très probablement, de ce désir de la mort qui doit mordre au cœur certains hommes faits pour commander, quand l’universel beuglement de la Désobéissance les assiège, Barbey d’Aurevilly avait redressé sa taille et ne sentait plus de lassitude.

Cette hideuse façon de mourir n’était certes pas celle qu’il aurait choisie. N’importe, il s’agissait de l’accueillir le plus fermement qu’on pourrait,