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noël prussien

Pas de cantiques. Aucun habitant du village n’en aurait trouvé la force, et le colonel avait heureusement accordé cette grâce inespérée qu’on ne chanterait pas en langue allemande.

Il avait bien fallu consentir à cette messe de minuit. Le malheureux abbé Courtemanche subissait une violence effroyable, telle qu’il n’aurait jamais cru la pouvoir supporter sans en mourir.

Non seulement il avait le devoir de ne pas abandonner Jésus en sa Crèche et d’empêcher par tous les moyens permis l’extermination ou la ruine de son troupeau, mais encore et par-dessus tout, il n’avait pas le droit d’oublier que les Prussiens mêmes furent, aussi bien que les autres hommes, rachetés du Sang de ce Nouveau-Né.

Le Vicaire du Christ sur sa Chaire cathédrale n’aurait pu, en pareil cas, les excommunier, et quand même toutes les plaies des cent mille morts pour la patrie seraient devenues autant de bouches vocifératrices contre eux, cet immense cri vers le ciel n’aurait pas été tout à fait assez pour couvrir le chuchotement d’un incendiaire ou d’un égorgeur de vieillards au tribunal de la Pénitence.

Il avait donc entendu la confession d’une vingtaine environ de ces cannibales agenouillés parmi les Gouttes infiniment adorables du Sang précieux de la Sueur divine.