Page:Blum - En lisant, 1906.djvu/14

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Il est véritablement un grand écrivain. Quel art certain de toucher toujours aux points sensibles du cœur ! Quelle grâce, quelle magnificence ! Il se joue et s’éploie au-dessus des sujets avec une fierté, une liberté inimitable. Ces pages appartiennent, comme il l’a bien senti, à la même veine que Du Sang, de la Volupté et de la Mort, et c’est la veine la plus rare et la plus riche de sa sensibilité. « Une société silencieuse et choisie convient à ces deux livres. Celui-ci, toutefois, me parait plus lourd dans la main et plus savant à l’oreille que mon recueil de 1895. » Oui. plus lourd dans la main et par là moins parfait peut-être, moins complètement heureux, car, dans le recueil de 1895, il y avait des pages impérissables. Mais ce livre a pourtant mérité son titre. Il est digne d’avoir été dédié à l’amour et à la douleur. Il est singulier comme l’amour, et fécond comme la souffrance. Il est nourri d’analyse et d’enthousiasme, d’expérience et d’illusion, d’ardente réflexion et de passion désabusée.

On y voit d’abord une ville qui meurt. C’est Venise s’enfonçant lentement dans l’eau molle de sa lagune, Venise fiévreuse et sanglante au soleil, mais parée, avant de mourir, de la beauté spirituelle qui précède la décomposition. C’est Venise entourée des îles qui l’ont devancée dans la décrépitude et qui lui présagent son sort, peuplée des