Page:Blum - Pour être socialiste, 1919.djvu/24

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de notre régime social. Faisons cet effort. Considérons si c’est ou non l’appât du gain qui provoque les grands témoignages du travail humain, qui suscite les grandes tâches de l’histoire. Est-ce l’appât du gain qui a édifié les temples de l’Acropole ou les cathédrales gothiques ? Est-ce l’appât du gain qui a inspiré les grands ouvriers de la Renaissance, les grands constructeurs d’idées du xviiie siècle ?… Si la littérature et l’art sont devenus aujourd’hui métier et marchandise, c’est que la contagion du lucre a gagné l’écrivain et l’artiste, mais on ne nous citera pas une belle œuvre, dans aucun temps, que son auteur ait conçue dans un esprit mercantile. Est-ce l’appât du gain qui incite le savant à la méditation, à la découverte, est-ce pour « gagner de l’argent » qu’ont travaillé un Newton, un Lavoisier, un Ampère, un Pasteur ? L’invention pratique, le perfectionnement industriel ne sont pas dus davantage à l’espoir du profit, mais à un besoin intime de recherche et de trouvaille qui puise en lui-même sa satisfaction. Vous ne trouverez pas une tâche vraiment utile à l’humanité dont l’origine ne soit désintéressée… En revanche, nous voyons autour de nous quelle sorte d’activité le désir du gain provoque. C’est pour gagner de l’argent qu’on lance une affaire, qu’on monte une maison de banque, de courtage ou de commerce, qu’on achète et qu’on revend, qu’on agiote et qu’on spécule. Le désir du gain forme et entretient cette écume, cette fermentation putride que nous voyons s’étaler à la surface de la vie économique. La société actuelle est peuplée de hardis aventuriers, lancés à la conquête de l’or, et qui, par tous les moyens, essaient de dévier à leur bénéfice le courant des capitaux. Mais de quelle richesse réelle leur audace a-t-elle jamais accru le monde ? En quoi la société se trouvera-t-elle appauvrie quand nous l’aurons nettoyée de toutes ces initiatives parasitaires ? Elles déplacent arbitrairement la richesse, elles ne la créent pas. Vous trou-