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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

brèves après tant de chaudes et bonnes paroles ?… Je t’attendais, cette lettre avec toutes les impatiences de l’amour inquiet et aujourd’hui qu’elle est entre mes mains, hélas, j’y cherche en vain l’accent de jadis, le son d’une voix chérie, le frisson d’un cœur dont j’entendis un jour les battements répondre aux miens. Tu es malheureuse. Marie-Anna, je le devine. Je le sens par ce que je souffre moi-même ! Quelque chose nous menace ! J’ai pleuré de bonheur quand j’ai su que tu m’aimais ; aujourd’hui je verse des larmes de fiel tant la profondeur de mes maux ressemble à un avertissement. Dis-moi, mon adorée, dis-moi que tu es heureuse, que tu m’attends, que tu m’aimes… Je t’en prie, ne t’abandonne pas aux influences extérieures qui peut-être tendent à te détacher de mol, à t’arracher à ma tendresse, à rompre ces chaînes que l’amour le plus pur a scellées à-jamais le jour où mes lèvres ont recueilli tes larmes ! Souviens-toi de ce jour, Marie-Anna ! L’horrible délivrance de cet enchaînement serait aussi une délivrance finale, le commencement d’une vie de douleurs que les démons m’ont pas encore inventée dans le séjour des damnés !… Tu le vois, ma Mia-Na. Je m’égare. J’ai la tête en feu je n’y vois plus tant je souffre de toi ! Rappelle-moi, mon adorée, dis-moi de revenir…

Loin de calmer Marie-Anna, ces lettres toutes débordantes de passion achevèrent de l’affoler. Les nerfs rompus, incapable de lutter plus longtemps, elle fut sur le point de céder à l’orage de révolte qui grondait en elle et de répondre à Jacques : « Reviens, reviens vite ! » mais au moment où elle prenait la plume pour commettre cette irrémédiable folie, sa mère entra les yeux pleins