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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

si vive que l’avait été sa jalousie. L’image terrifiante du sauvetage, de cet atroce combat entre un être humain et d’indomptables éléments repassa devant ses yeux et en contemplant ce jeune homme immobile et pâle, les yeux clos déjà comme pour l’éternel sommeil, le corps brisé comme au sortir d’une chambre de question, il pensa qu’hier encore, ce même jeune homme était un être plein de vie, possédant un esprit sain, un corps vigoureux, un cœur ardent et noble. Atteint au point le plus vulnérable de sa nature généreuse, Henri comprit qu’en sauvant la vie de Marie-Anna, Jacques l’avait sauvé, lui aussi, d’une douleur éternelle.

Les trois hommes se retirèrent sans bruit. Henri se retrouva auprès de Marie-Anna. La jeune fille avait ouvert les yeux et promenait autour d’elle un regard sans intelligence. Henri approcha son visage du sien et demanda tendrement.

— Tu me vois, Marie-Anna ?

Elle le regarda durant quelques secondes avec une fixité de statue qui le mit à la torture ; puis ses lèvres remuèrent, elle murmura faiblement :

— Pardon, Henri !… Pardon !