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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

naye, un ami d’enfance, dit Marie-Anna en se tournant vers Jacques et Gilbert.

C’était un jeune homme de 23 ans, grand et fort ayant dans le maintien cette gaucherie gracieuse, si l’on peut ainsi dire, qui est la manière d’être des gens plus confiants dans leur force physique que dans leurs dons d’esprit ou de jeunesse. Son costume ostensiblement sévère était en harmonie avec les traits solidement accusés de son visage imberbe ; les chevaux châtains, taillés courts descendaient assez bas au milieu du front, laissant à nu des tempes larges et hautes. Les yeux, d’une couleur indéfinissable entre le brun feuille morte et le vieil ocre donnaient de la douceur à cette physionomie sympathique jusque dans sa sévérité. Au nombre de ceux que Marie-Anna nommait ses courtisans, Henri Chesnaye était le plus en titre pour revendiquer la première place ; il était aussi le plus entêté, le plus silencieux, le plus timide des adorateurs. Depuis plus de quinze ans qu’il connaissait Marie-Anna, compagne de son enfance, il ne pouvait prétendre l’avoir vue passer sur lui un seul regard qui ressemblât à de l’amour. Son langage était celui d’un homme plus instruit que spirituel ; ses prin-