LA CONSOLATION PHILOSOPHIQÈE, LIV. UI. ·13È voir si souvent aux mains des scélérats ; et clest pourquoi Catulle, sans égard pour la chaise curule où siégeait Nonius, donne à ce personnage le nom de Scrofufei, Ne vois-tu pas combien les dignités ajoutent à l’ignominie des méchants ? Leur infamie, en effet, frapperait moins les yeux, si les honneurs ne la p1·oduisaient pas au grand jour. Et toi-même, est-ce que les dangers de toute sorte auxquels tu t’exposais ont jamais pu t’obliger à considérer comme ton collègue un Décoratusf, en qui tu avais reconnu l’âme d’un misérable bouffon et d’un délateur ? Nous ne pouvons, en effet, juger dignes de respect, à cause de leurs honneurs, des hommes que nous jugeons indignes de ces honneurs mêmes. Lorsqulau contraire tu remarques un homme recommandable par sa sagesse, est-ce que tu peux nier qu’il soit digne de respect, digne même de la sagesse qui est en lui ?Nullement. La vertu, en effet, possède une dignité qui lui est propre, et qu’elle communique sur-le-champ E1 ses fidèles. Or, comme les honneurs que confère le peuple nlont pals cette propriété, il est clair que par eux-mêmes ils sont dépourvus de dignité et d’eclat. A ce propos, il y à une remarque encore plus importante à faire zèlest que, si un homme est d’autant plus abject qu’il est méprisé par plus de gens, les dignités, dès lors qulelles ne rendent pas respectables ceux qujelles exposent à plus de regards, ne font qu’aggraver l’opprobre des méchants. Mais ce n’est pas sans en pâtir elles-mêmes, rar les méchants rendent la pareille aux dignités, en leur communiquant la contagion de leur infamie. Maintenant, pour te convaincre que la véritable considération n’a rien de commun avec ces vains honneurs, je suppose qu’un personnage, plusieurs fois honoré du consulat, soit conduit par le hasard chez des nations barbares ; ies charges qu’il a exercées lui vaudront-elles le respect de ces barbares ? Or, si c’était là un effet natu1·el des dignités, cet effet se produi-
