Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/233

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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. III. 149 1·oute est rude, difficile ; mille terreurs t’y suivent. Tu passes ta vie dans les plaisirs ? Mais quel dédain, quel mépris n’a-t-on pas pour l’esclave de ce qu’il y a de plus vil et de plus fragile au monde, le corps ? Et ceux qui se prévalent des avantages du corps, combien est faible, combien est précaire la supériorité qui les rend si confiants Surpasserez-vous jamais les éléphants en grosseur, les taureaux en force P Devancerez-vous les tigres à la course ? Voyez l’étendue du ciel, sa solidité, la rapidité de ses évolutions, et cessez enfin de donner votre admiration à des choses qui la méritent si peu. Ce sont là pourtant les moindres merveilles du ciel ; ce qu’il faut surtout admirer, clest l’intelligence qui le gouverne. Quant à l’éclat de la beauté, comme il passe vite l comme il dure peul moins éphémères sont les fleurs du printemps. Si les hommes, comme dit Aristote ", avaient les yeux de Lyncée, et que leurs regards pussent percer tous les obstacles, est-ce qu’à l’aspect des viscères qu’il renferme, le corps même d’Alcibiade, si charmant à la surface, ne semblerait pas d’une hicleuse laideur ? Ta beauté nlest donc qu’apparente ; ce n’est pas à la 11ature que tu la dois, mais à la faiblesse des yeux qui te regardent. Mais surfaites tant qu’il vous plaira les avantages du corps ; toujours est-il que cet objet de votre admiration peut en trois jours être détruit par le feu, si peu vif pourtant, de la fièvre. On peut conclure de tout cela que des choses incapables de donner ce qu’elles promettent, et qui ne résument pas en elles l’universalité des biens, ne peuvent, par aucune route certaine, nous conduire à la béatitude, ni nous la procurer par elles-mêmes.