Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/241

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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. III. 157 qu’ils niy visent point. — Comment cela ? demandai-je. — Le voici, dit-elle. L’homme qui court après la richesse pour éviter la pauvreté, ne se met pas en peine de la puissance ; il se résigne au mépris et à Vobscurité ; il se prive même souvent des plaisirs les plus innocents, dans la crainte de perdre l’argent qu’il a entassé. Mauvais moyen ; il ne peut se dire affranchi de tout besoin llhomme qui se voit privé de toute action sur les autres, dévoré par Yinquiétude, accablé sous le mépris, enseveli dans l’obscurité. D’autre part, l’homme qui ne désire que la puissance, prodigue ses trésors, dédaigne les voluptés, et ne fait nul cas des honneurs et de la gloire que la puissance ne rehausse pas. Mais tu vois aussi à combien d’avantages il renonce. Il arrive, en effet, que souvent il manque du nécessaire ou que les soucis ne lui laissent aucun repos ; et comme il ne peut se soustraire à ces inconvénients, il perd ce qu’il désirait par-dessus tout, la puissance. La même observation s’applique aux hon- ’ neurs, à la gloire, aux voluptés. Car ces biens divers ne formant qu’un tout indivisible, l’homme qui en poursuit quelqu’un à l’exclusion des autres, ne peut même atteindre le seul qu’il désire.— Mais quoil demandai-je, si quelqu’un voulait acquérir tous ces biens à la fois ?... —· Celui-là viserait à la souveraine béatitude ; mais la trouverait-il dans des choses qui, je l’ai démontré, sont incapables de donner ce qu’elles promettent ? — Non, dis-je. — Ce n’est donc pas dans les choses qui, prises isolément, semblent renfermer tous les biens désirables, qu’il faut chercher la béatitude.-Ten conviens, répondis-je, et l’on ne peut rien dire de plus vrai. —· Tu connais maintenant, reprit-elle, les dehors de la fausse félicité et ses causes. Tourne maintenant dans le sens opposé les yeux de ton esprit, et aussitôt, comme je te l’ai promis, tu découvriras le véritable bonheur. — Certes, répondis-je, un aveugle même l’aper-