Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/411

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I LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. V. 327 elles-mêmes. Mais, diras-tu, s’il est en mon pouvoir de changer de dessein, je réduis à rien la Providence, quand je viens à changer ce qu’elle a prévu. Je répondrai à cela que tu peux, à la vérité, changer de dessein, mais que, la Providence sachant fort bien que tu as ce pouvoir et voyant dès maintenant avec certitude si tu en useras, et dans quel sens tu te détermineras, tu ne peux dans aucun cas échapper à sa prescience, pas plus que tu ne peux éviter les regards d’un œil fixé sur toi, si multipliées que soient les évolutions auxquelles tu te livres en vertu de ta libre volonté. Quoi donc ? diras-tu, il dépendra de moi de faire varier la science divine, de telle sorte que si je veux tantôt une chose, tantôt une. autre, on verra cette science se modifier au gré de mon caprice ? Pas le moins du monde. Car la prescience divine devance tous les événements futurs, et les ramène à cet état d’actualité qui caractérise sa manière de connaître. Elle ne varie pas, comme tu te l’imagines, selon tel ou tel cas à connaître, mais elle prévient et embrasse, d’un seul coup d’œil, sans les subir, toutes les variations de ta volonté. Or, cette connaissance et cette intuition de toutes choses dans le présent, Dieu ne les tient pas d’un avenir éventuel, mais d’une faculté qui lui appartient en propre. Et cette remarque répond en même temps à l’objection que tu m’opposais tout à l’heure, à savoir qu’il serait indigne de Dieu que sa science fût motivée par nos actions futures. Car le propre de cette science c’est que, embrassant tout dans une intuition toujours actuelle, elle domine et règle tous les événements et ne dépend en rien de l’avenir. Cela étant, les hommes conservent intégralement leur libre arbitre ; et dès que les volontés sont affranchies de toute contrainte, ’on ne saurait appeler injustes les lois qui répartissent les récompenses et les peines. Puis, il est un Dieu immuable qui, du haut de sa prescience, assiste à tout ; son