Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
SATIRE V

Sans respect des aïeux dont elle est descendue,
Et va porter la malle, ou tirer la charrue.
Pourquoi donc voulez-vous que, par un sot abus,
Chacun respecte en vous un honneur qui n’est plus ?
On ne m’éblouit point d’une apparence vaine ;
La vertu, d’un cœur noble est la marque certaine.
Si vous êtes sorti de ces héros fameux,
Montrez-nous cette ardeur qu’on vit briller en eux,
Ce zèle pour l’honneur, cette horreur pour le vice.
Respectez-vous les lois ? fuyez-vous l’injustice ?
Savez-vous pour la gloire oublier le repos,
Et dormir en plein champ le harnois sur le dos ?
Je vous connois pour noble à ces illustres marques.
Uors soyez issu des plus fameux monarques,
Venez de mille aïeux ; et, si ce n’est assez,
Feuilletez à loisir tous les siècles passés ;
Voyez de quel guerrier il vous plaît de descendre ;
Choisissez de César, d’Achille, ou d’Alexandre :
En vain un faux censeur voudroit vous démentir,
Et si vous n’en sortez, vous en devez sortir.
Mais, fussiez-vous issu d’Hercule en droite ligne,
Si vous ne faites voir qu’une bassesse indigne,
Ce long amas d’aïeux que vous diffamez tous ;
Sont autant de témoins qui parlent contre vous ;
Et tout ce grand éclat de leur gloire ternie
Ne sert plus que de jour à votre ignominie.
En vain, tout lier d’un sang que vous déshonorez,
Vous dormez à l’abri de ces noms révérés ;
En vain vous vous couvrez des vertus de vos pères ;
Ce ne sont à mes yeux que de vaines chimères ;
Je ne vois rien en vous qu’un lâche, un imposteur,

    fils Aymon. On connaît l’histoire des quatre frères, qui lorsqu’ils voyageaient ensemble s’y plaçaient tous les quatre à la fois.