Il ne voit point d’écueil qu’il ne l’aille choquer ?
Et que sert à Cotin[1] la raison qui lui crie :
N’écris plus, guéris-toi d’une vaine furie ;
Si tous ces vains conseils, loin de la réprimer,
Ne font qu’accroître en lui la fureur de rimer ?
Tous les jours de ses vers, qu’à grand bruit il récite,
Il met chez lui voisins, parens, amis, en fuite ;
Car, lorsque son démon commence à l’agiter,
Tout, jusqu’à sa servante, est prêt à déserter.
Un âne, pour le moins, instruit par la nature,
A l’instinct qui le guide obéit sans murmure.
Ne va point follement de sa bizarre voix
Défier aux chansons les oiseaux dans les bois :
Sans avoir la raison, il marche sur sa route.
L’homme seul, qu’elle éclaire, en plein jour ne voit goutte :
Réglé par ses avis, fait tout à contre-temps,
Et dans tout ce qu’il fait n’a ni raison ni sens :
Tout lui plaît et déplaît ; tout le choque et l’oblige ;
Sans raison il est gai, sans raison il s’afflige ;
Son esprit au hasard aime, évite, poursuit,
Défait, refait, augmente, ôte, élève, détruit,
Et voit-on, comme lui, les ours ni les panthères
S’effrayer sottement de leurs propres chimères,
Plus de douze attroupés craindre le nombre impair[2],
Ou croire qu’un corbeau les menace dans l’air ?
Jamais l’homme, dis-moi, vit-il la bête folle
Sacrifier à l’homme, adorer son idole,
- ↑ Cotin avait comme Molière une servante qui entendait la lecture de ses vers, mais il paraîtrai que les avis de celle de Molière valaient mieux.
- ↑ Bien des gens croient que lorsqu’on se trouve treize à table, il a toujours dans l’année un des treize qui meurt ; cette crainte qui subsiste encore dans beaucoup d’esprits paraît être un souvenir de la Cène ; il en est de même d’un corbeau qui présage, aperçu dans les airs, quelque chose de sinistre.