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SATIRE IX.

COMPOSÉE EN 1667, PUBLIÉE EN 1668.

À SON ESPRIT[1].


C’est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.
Vous avez des défauts que je ne puis celer :
Assez et trop longtemps ma lâche complaisance
De vos jeux criminels a nourri l’insolence ;
Mais, puisque vous poussez ma patience à bout,
Une fois en ma vie il faut vous dire tout.
UnOn croiroit à vous voir dans vos libres caprices
Discourir en Caton des vertus et des vices,
Décider du mérite et du prix des auteurs,
Et faire impunément la leçon aux docteurs,
Qu’étant seul à couvert des traits de la satire
Vous avez tout pouvoir de parler et d’écrire.
Mais moi, qui dans le fond sais bien ce que j’en croîs,
Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts,

  1. Cette pièce, une des meilleures inspirations satiriques de Boileau, est entièrement composée dans le goût d’Horace, et nous représente un homme qui se fait son procès à soi-même pour le faire à tous les autres.