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BOILEAU.

Et qui pour un bon mot va perdre vingt amis.
Il ne pardonne pas aux vers de la Pucelle,
Et croit régler le monde au gré de sa cervelle.
Jamais dans le barreau trouva-t-il rien de bon ?
Peut-on si bien prêcher qu’il ne dorme au sermon ?
Mais lui, qui fait ici le régent du Parnasse,
N’est qu’un gueux revêtu des dépouilles d’Horace[1].
Avant lui Juvénal avoit dit en latin[2]
Qu’on est assis à l’aise aux sermons de Cotin.
L’un et l’autre avant lui s’étoient plaints de la rime,
Et c’est aussi sur eux qu’il rejette son crime :
Il cherche à se couvrir de ces noms glorieux.
J’ai peu lu ces auteurs, mais tout n’iroit que mieux,
Quand de ces médisans l’engeance tout entière
Iroit la tête en bas rimer dans la rivière.
Voilà comme on vous traite : et le monde effrayé
Vous regarde déjà comme un homme noyé.
En vain quelque rieur, prenant votre défense,
Veut faire au moins, de grâce, adoucir la sentence :
Rien n’apaise un lecteur toujours tremblant d’effroi,
Qui voit peindre en autrui ce qu’il remarque en soi.
Vous ferez-vous toujours des affaires nouvelles ?
Et faudra-t-il sans cesse essuyer des querelles ?
N’entendrai-je qu’auteurs se plaindre et murmurer ?
Jusqu’à quand vos fureurs doivent-elles durer ?
Répondez, mon esprit : ce n’est plus raillerie :
Dites… Mais, direz-vous, pourquoi cette furie ?

  1. Saint-Pavin reprochoit à l’auteur qu’il n’étoit riche que des dépouilles d’Horace, de Juvénal et de Regnier. (B.)
  2. C’est Cotin qui fournit lui-même à Boileau ce trait de mordante ironie, en disant dans sa fameuse satire qui servait d’enveloppes aux biscuits de Mignot :

    Il applique à Paris ce qu’il a lu de Rome :

    Ce qu’il dit en François, il le doit au latin.