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BOILEAU.

Cotin, à ses sermons traînant toute la terre,
Fend les flots d’auditeurs pour aller à sa chaire :
Saufal[1] est le phénix des esprits relevés ;
Perrin[2]… Bon, mon esprit ! courage ! poursuivez
Mais ne voyez-vous pas que leur troupe en furie
Va prendre encor ces vers pour une raillerie ?
Et Dieu sait aussitôt que d’auteurs en courroux,
Que de rimeurs blessés s’en vont fondre sur vous !
Vous les verrez bientôt, féconds en impostures,
Amasser contre vous des volumes d’injures,
Traiter en vos écrits chaque vers d’attentat,
Et d’un mot innocent faire un crime d’État[3].
Vous aurez beau vanter le roi dans vos ouvrages,
Et de ce nom sacré sanctifier vos pages ;
Qui méprise Cotin n’estime point son roi,
Et n’a, selon Cotin, ni Dieu, ni foi, ni loi[4].
EtMais quoi ! répondrez-vous, Cotin nous peut-il nuire
Et par ses cris enfin que sauroit-il produire ?
Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas,
L’entrée aux pensions où je ne prétends pas ?
Non, pour louer un roi que tout l’univers loue,
Ma langue n’attend point que l’argent la dénoue ;
Et, sans espérer rien de mes foibles écrits,
L’honneur de le louer m’est un trop digne prix :
On me verra toujours, sage dans mes caprices,
De ce même pinceau dont j’ai noirci les vices

    que des principaux auteurs grecs et latins. On appelait ses traductions les belles Infidèles.

  1. Saufal pour Sauval
  2. Perrin pour Cotin.
  3. C’était la tactique des ennemis de Boileau, et certainement sans la protection de Louis XIV il aurait difficilement résisté à leurs attaques.
  4. Vers devenu proverbial.