Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/157

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AU LECTEUR.


Voici enfin la satire qu’on me demande depuis si longtemps. Si j’ai tant tardé à la mettre au jour, c’est que j’ai été bien aise qu’elle ne parût qu’avec la nouvelle édition qu’on faisoit de mon livre[1], où je voulois qu’elle fût insérée. Plusieurs de mes amis, à qui je l’ai lue, en ont parlé dans le monde avec de grands éloges, et ont publié que c’étoit la meilleure de mes satires[2]. Ils ne m’ont pas en cela fait plaisir. Je connois le public : je sais que naturellement il se révolte contre ces louanges outrées qu’on donne aux ouvrages avant qu’ils aient paru, et que la plupart des lecteurs ne lisent ce qu’on leur a élevé si haut qu’avec un dessein formé de le rabaisser. Je déclare donc que je ne veux point profiter de ces discours avantageux ; et non-seulement je laisse au public son jugement libre, mais je donne plein pouvoir à tous ceux qui ont tant critiqué mon ode sur Namur d’exercer aussi contre ma satire toute la

  1. En 1694.
  2. Un s’accorde plus volontiers aujourd’hui à reconnaître que cet éloge conviendrait mieux à la neuvième Satire.