Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/244

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Et loin dans le présent regarde l’avenir.
La vieillesse chagrine incessamment amasse ;
Garde, non pas pour soi, les trésors qu’elle entasse,
Marche en tous ses desseins d’un pas lent et glacé ;
Toujours plaint le présent et vante le passé ;
Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse,
Blâme en eux les douceurs que l’âge lui refuse.
Ne faites point parler vos acteurs au hasard,
Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard.
UnÉtudiez la cour et connoissez la ville ;
L’une et l’autre est toujours en modèles fertile.
C’est par là que Molière illustrant ses écrits,
Peut-être de son art eût remporté le prix,
Si, moins ami du peuple, en ses doctes peintures
Il n’eut point fait souvent grimacer ses figures,
Quitté, pour le bouffon, l’agréable et le fin,
Et sans honte à Térence allié Tabarin.
Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe[1],
Je ne reconnois plus l’auteur du Misanthrope.
JeLe comique, ennemi des soupirs et des pleurs,
N’admet point en ses vers de tragiques douleurs ;
Mais son emploi n’est pas d’aller, dans une place,
De mots sales et bas charmer la populace.
Il faut que ses acteurs badinent noblement ;
Que son nœud bien formé se dénoue aisément ;
Que l’action, marchant où la raison la guide
Ne se perde jamais dans une scène vide ;
Que son style humble et doux se relève à propos ;
Que ses discours partout fertiles en bons mots,
Soient pleins de passions finement maniées,
Et les scènes toujours l’une à l’autre liées.
Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter :

  1. Les fourberies de Scapin, comédie fort divertissante et écrite pour un autre public que le Tartuffe ou le Misanthrope.