Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/337

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Contez-lui qu’allié d’assez hauts magistrats.
Fils d’un père greffier, né d’aïeux avocats,
Dès le berceau perdant une fort jeune mère[1],
Réduit seize ans après à pleurer mon vieux père,
J’allai d’un pas hardi, par moi-même guidé,
Et de mon seul génie en marchant secondé,
Studieux amateur et de Perse et d’Horace,
Assez près de Régnier m’asseoir sur le Parnasse ;
Que, par un coup du sort au grand jour amené,
Et des bords du Permesse à la cour entraîné,
Je sus, prenant l’essor par des routes nouvelles,
Élever assez haut mes poétiques ailes ;
Que ce roi dont le nom fait trembler tant de rois
Voulut bien que ma main crayonnât ses exploits ;
Que plus d’un grand m’aima jusques à la tendresse ;
Que ma vue à Colbert inspirait l’allégresse ;
Qu’aujourd’hui même encor, de deux sens[2] affoibli,
Retiré de la cour, et non mis en oubli,
Plus d’un héros, épris des fruits de mon étude,
Vient quelquefois chez moi goûter la solitude[3].
ViMais des heureux regards de mon astre étonnant
Marquez bien cet effet encor plus surprenant,
Qui dans mon souvenir aura toujours sa place :
Que de tant d’écrivains de l’école d’Ignace
Étant, comme je suis, ami si déclaré[4],
Ce docteur toutefois si craint, si révéré,
Qui contre eux de sa plume épuisa l’énergie,

  1. Anne de Miélé, mère de Boileau.
    Elle mourut à l’âge de vingt-huit ans, en 1638, deux ans après la naissance de son fils.
  2. La vue et l’ouïe.
  3. À Auteuil.
  4. Les jésuites Rapin, Bourdaloue, Bouhours, d’Olivet, etc.