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ÉPÎTRE XII.

1695.

À M. L’ABBÉ RENAUDOT[1].

L’AMOUR DE DIEU.


EnDocte abbé, tu dis vrai, l’homme, au crime attaché,
En vain, sans aimer Dieu, croit sortir du péché.
Toutefois, n’en déplaise aux transports frénétiques
Du fougueux moine auteur des troubles germaniques[2],
Des tourmens de l’enfer la salutaire peur
N’est pas toujours l’effet d’une noire vapeur,
Qui, de remords sans fruit agitant le coupable,
Aux yeux de Dieu le rende encor plus haïssable.
Cette utile frayeur, propre à nous pénétrer,
Vient souvent de la grâce en nous prête d’entrer,
Qui veut dans notre cœur se rendre la plus forte,

  1. En écrivant cette épître, Boileau ne cédait pas seulement à un besoin religieux d’exprimer sa pensée, il voulait montrer que la poésie sait s’élever aux sujets les plus graves. L’abbé Renaudot, auquel elle est dédiée, était un savant de l’Académie française, lié avec Bossuet et les grands écrivains de son temps, et c’est lui qui a continué l’ouvrage d’Arnauld, la Perpétuité de la Foi.
  2. Luther.