Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/361

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à ses promenades. Il me favorisa même quelquefois de sa plus étroite confidence, et me fît voir à fond son âme entière. Et que n’y vis-je point ! Quel trésor surprenant de probité et de justice ! Quel fonds inépuisable de piété et de zèle ! Bien que sa vertu jetât un fort grand éclat au dehors, c’étoit toute autre chose au dedans ; et on voyoit bien qu’il avoit soin d’en tempérer les rayons, pour ne pas blesser les yeux d’un siècle aussi corrompu que le nôtre. Je fus sincèrement épris de tant de qualités admirables ; et s’il eut beaucoup de bonne volonté pour moi, j’eus aussi pour lui une très-forte attache. Les soins que je lui rendis ne furent mêlés d’aucune raison d’intérêt mercenaire ; et je songeai bien plus à profiter de sa conversation que de son crédit. Il mourut dans le temps que cette amitié étoit en son plus haut point ; et le souvenir de sa perte m’afflige encore tous les jours. Pourquoi faut-il que des hommes si dignes de vivre soient sitôt enlevés du monde, tandis que des misérables et des gens de rien arrivent à une extrême vieillesse ! Je ne m’étendrai pas davantage sur un sujet si triste : car je sens bien que si je continuois à en parler, je ne pourrois m’empêcher de mouiller peut-être de larmes la préface d’un ouvrage de pure plaisanterie.