Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/364

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De ce schisme naissant débarrassa l’Église,
Viens d’un regard heureux animer mon projet,
Et garde-toi de rire en ce grave sujet.
EtParmi les doux plaisirs d’une paix fraternelle
Paris voyoit fleurir son antique chapelle ;
Ses chanoines vermeils et brillans de santé
S’engraissoient d’une longue et sainte oisiveté.
Sans sortir de leurs lits, plus doux que leurs hermines,
Ces pieux fainéans faisoient chanter matines,
Veilloient à bien dîner, et laissoient en leur lieu
À des chantres gagés le soin de louer Dieu :
Quand la Discorde encor toute noire de crimes
Sortant des Cordeliers pour aller aux Minimes[1],
Avec cet air hideux qui fait frémir la Paix,
S’arrêta près d’un arbre au pied de son palais.
Là, d’un œil attentif contemplant son empire,
À l’aspect du tumulte elle-même s’admire.
Elle y voit par le coche et d’Évreux et du Mans
Accourir à grands flots ses fidèles Normands ;
Elle y voit aborder le marquis, la comtesse,
Le bourgeois, le manant, le clergé, la noblesse ;
Et partout des plaideurs les escadrons épars
Faire autour de Thémis flotter ses étendards.
Mais une église seule, à ses yeux immobile,
Garde au sein du tumulte une assiette tranquille :
Elle seule la brave ; elle seule aux procès
De ses paisibles murs veut défendre l’accès.
La Discorde, à l’aspect d’un calme qui l’offense,
Fait siffler ses serpens, s’excite à la vengeance :
Sa bouche se remplit d’un poison odieux,
Et de longs traits de feu lui sortent par les yeux.

  1. Il y eut de grandes brouilleries dans ces deux couvents à l’occasion de quelques supérieurs qu’on y voulait élire.