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CHANT II.


CeCependant cet oiseau qui prône les merveilles[1],
Ce monstre composé de bouches et d’oreilles,
Qui, sans cesse volant de climats en climats,
Dit partout ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas ;
La Renommée enfin, cette prompte courrière,
Va d’un mortel effroi glacer la perruquiére ;
Lui dit que son époux, d’un faux zèle conduit,
Pour placer un lutrin doit veiller cette nuit.
PoÀ ce triste récit, tremblante, désolée,
Elle accourt, l’œil en feu, la tête échevelée,
Et trop sûre d’un mal qu’on pense lui celer :
« Oses-tu bien encor, traître, dissimuler[2]?
Dit-elle ; et ni la foi que ta main m’a donnée,
Ni nos embrassemens qu’a suivis l’hyménée,
Ni ton épouse enfin, toute prête à périr,
Ne sauroient donc t’ôter cette ardeur de courir !
Perfide ! si du moins, à ton devoir fidèle,
Tu veillois pour orner quelque tête nouvelle,

  1. Énéide, liv. IV, vers 118.
  2. Énéide, liv. IV, vers 305.
    Dissimulare eliam sperasti, perfide, lantum
    Posse nefas ?