Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/391

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Aussitôt, d’un bonnet ornant sa tête grise,
Déjà l’aumusse en main[1] il marche vers l’église ;
Et, hâtant de ses ans l’importune langueur,
Court, vole, et le premier arrive dans le chœur.
Ô toi qui, sur ces bords qu’une eau dormante mouille,
Vis combattre autrefois le rat et la grenouille[2] ;
Qui, par les traits hardis d’un bizarre pinceau,
Mis l’Italie en feu pour la perte d’un seau[3] :
Muse, prête à ma bouche une voix plus sauvage,
Pour chanter le dépit, la colère, la rage,
Que le chantre sentit allumer dans son sang,
À l’aspect du pupitre élevé sur son banc.
D’abord pâle et muet, de colère immobile,
À force de douleur, il demeura tranquille ;
Mais sa voix s’échappant au travers des sanglots
Dans sa bouche à la fin fit passage à ces mots :

    le droit de bénir en l’absence du trésorier, à la charge d’être béni lui-même par le trésorier présent.

  1. Boileau avait mis, avant l’impression :

    Alors d’un domino couvrant sa tête grise,

    Déjà l’aumusse en main…


    Louis XIV fit remarquer au poëte que l’aumusse était un habillement d’hiver et le domino un habillement d’été, « Ne soyez pas étonné, ajoutait-il, de me voir instruit de ces usages, je suis chanoine en plusieurs églises. » En effet, le roi de France, disent les commentateurs de Boileau, est chanoine de Saint-Jean de Latran, de Saint-Jean de Lyon, de Saint-Martin de Tours, des églises d’Angers, du Mans et de quelques autres.

  2. Homère, auteur de la Batrachomyomachie, ou la Guerre des rats et des grenouilles.
  3. La Secchia rapita, poème italien. (B.) — Ce poème héroïque, très-inférieur au Lutrin, a pour sujet la guerre qu’entreprirent les Bolonais afin de recouvrer un seau de sapin que les Modénois avaient fait enlever du puits public de la ville de Bologne. L’auteur est Alexandre Tassoni, qui naquit à Modène en 1565, et y mourut en 1635.