Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/393

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Pour les procès est jointe à la vaste science.
L’un et l’autre aussitôt prend part à son affront.
Toutefois condamnant un mouvement trop prompt,
« Du lutrin, disent-ils, abattons la machine :
Mais ne nous chargeons pas tout seuls de sa ruine ;
Et que tantôt, aux yeux du chapitre assemblé,
Il soit sous trente mains en plein jour accablé. »
IlCes mots des mains du chantre arrachent le pupitre.
« J’y consens, leur dit-il, assemblons le chapitre :
Allez donc de ce pas par de saints hurlemens[1],
Vous-mêmes appeler les chanoines dormans.
Partez. » Mais ce discours les surprend et les glace.
« Nous ! qu’en ce vain projet, pleins d’une folle audace.
Nous allions, dit Girard, la nuit nous engager !
De notre complaisance osez-vous l’exiger ?
Hé ! seigneur, quand nos cris pourroient, du fond des rues.
De leurs appartemens percer les avenues,
Réveiller ces valets autour d’eux étendus,
De leur sacré repos ministres assidus,
Et pénétrer des lits au bruit inaccessibles,
Pensez-vous, au moment que les ombres paisibles
À ces lits enchanteurs ont su les attacher,
Que la voix d’un mortel les en puisse arracher ?
Deux chantres feront-ils, dans l’ardeur de vous plaire,
Ce que depuis trente ans six-cloches n’ont pu faire ?
Ce— Ah ! je vois bien où tend tout ce discours trompeur,
Reprend le chaud vieillard : le prélat vous fait peur.
Je vous ai vus cent fois, sous sa main bénissante,
Courber servilement une épaule tremblante.
Eh bien ! allez ; sous lui fléchissez les genoux :
Je saurai réveiller les chanoines sans vous.
Viens, Girot, seul ami qui me reste fidèle ;

  1. Racine a dit aussi : saintement homicide.