Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/412

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Ont tant de fois séché les pleurs des misérables,
Pourquoi toi-même, en proie à tes vives douleurs,
Cherches-tu sans raison à grossir tes malheurs ?
En vain de tes sujets l’ardeur est ralentie ;
D’un ciment éternel ton Église est bâtie,
Et jamais de l’enfer les noirs frémissemens
N’en sauroient ébranler les fermes fondemens.
Au milieu des combats, des troubles, des querelles,
Ton nom encor chéri vit au sein des fidèles.
Crois-moi, dans ce lieu même où l’on veut t’opprimer,
Le trouble qui t’étonne est facile à calmer :
Et, pour y rappeler la paix tant désirée,
Je vais t’ouvrir, ma sœur, une route assurée.
Prête-moi donc l’oreille, et retiens tes soupirs.
Vers ce temple fameux, si cher à tes désirs,
Où le ciel fut pour toi si prodigue en miracles,
Non loin de ce palais où je rends mes oracles,
Est un vaste séjour des mortels révéré[1]
Et de cliens soumis à toute heure entouré.
Là, sous le faix pompeux de ma pourpre honorable,
Veille au soin de ma gloire un homme incomparable,
Ariste[2] dont le ciel et Louis ont fait choix
Pour régler ma balance et dispenser mes lois.
Par lui dans le barreau sur mon trône affermie,
Je vois hurler en vain la chicane ennemie :
Par lui la vérité ne craint plus l’imposteur,
Et l’orphelin n’est plus dévoré du tuteur.
Mais pourquoi vainement t’en retracer l’image ?
Tu le connois assez : Ariste est ton ouvrage ;
C’est toi qui le formas dès ses plus jeunes ans ;
Son mérite sans tache est un de tes présens.

  1. L’hôtel du premier président, aujourd’hui la préfecture de police
  2. M. de Lamoignon, premier président.