Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce sujet, et ce seroit la matière d’un gros livre ; mais on voilà assez, ce me semble, pour marquer au public ma reconnoissance et la bonne idée que j’ai de son goût et de ses jugemens.

Parlons maintenant de mon édition nouvelle. C’est la plus correcte qui ait encore paru ; et non-seulement je l’ai revue avec beaucoup de soin, mais j’y ai retouché de nouveau plusieurs endroits de mes ouvrages : car je ne suis point de ces auteurs fuyant la peine, qui ne se croient plus obligés de rien raccommoder à leurs écrits, dès qu’ils les ont une fois donnés au public. Ils allèguent, pour excuser leur paresse, qu’ils auroient peur, en les trop remaniant, de les affaiblir, et de leur ôter cet air libre et facile qui fait , disent-ils, un des plus grands charmes du discours ; mais leur excuse, à mon avis, est très-mauvaise. Ce sont les ouvrages faits à la hâte, et, comme on dit, au courant de la plume, qui sont ordinairement secs, durs et forcés. Un ouvrage ne doit point paroitre trop travaillé, mais il ne sauroit être trop travaillé ; et c’est souvent le travail même qui, en le polissant, lui donne cette facilité tant vantée qui charme le lecteur. Il y a bien de la différence entre des vers faciles et des vers facilement faits. Les écrits de Virgile, quoique extraordinairement travaillés, sont bien plus naturels que ceux de Lucain, qui écrivoit, dit-on, avec une rapidité prodigieuse. C’est ordinairement la peine que s’est donnée un auteur à limer et à perfectionner ses écrits qui fait que le lecteur n’a point de peine en les lisant. Voiture, qui paroit si aisé, travailloit extrême-