Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/82

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la cour de Néron le savoit, que ces quatre vers, Torva Mimalloneis, etc., dont Perse fait une raillerie si amère dans sa première satire, étoient des vers de Néron. Cependant on ne remarque point que Néron , tout Néron qu’il étoit, ait fait punir Perse ; et ce tyran, ennemi de la raison, et amoureux, comme on sait, de ses ouvrages, fut assez galant homme pour entendre raillerie sur ses vers, et ne crut pas que l’empereur, en cette occasion, dût prendre les intérêts du poëte.

Pour Juvénal, qui florissoit sous Trajan, il est un peu plus respectueux envers les grands seigneurs de son siècle. Il se contente de répandre l’amertume de ses satires sur ceux du règne précédent ; mais, à l’égard des auteurs, il ne les va point chercher hors de son siècle. A peine est-il entré en matière que le voilà en mauvaise humeur contre tous les écrivains de son temps. Demandez à Juvénal ce qui l’oblige de prendre la plume. C’est qu’il est las d’entendre et la Théséide de Codrus, et l'Oreste de celui-ci, et le Télèphe de cet autre, et tous les poëtes enfin, comme il dit ailleurs, qui récitoient leurs vers au mois d’août :

Et augusto recitantes mense poetas.

Tant il est vrai que le droit de blâmer les auteurs est un droit ancien, passé en coutume parmi tous les satiriques et souffert dans tous les siècles ! Que s’il faut venir des anciens aux modernes, Regnier, qui est presque notre seul poëte satirique, a été véritablement un peu plus discret que les autres.