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nelle. Devant le même auditoire le Mariage Forcé a été joué par dix acteurs de nationalités différentes, avec un succès attesté par les rires et les applaudissements des spectateurs. Cette expérience, le Congrès de Genève l’a renouvelée et confirmée. Non seulement, comme à Boulogne, l’Esperanto a servi d’instrument aux discussions sur les questions les plus variées, soit dans les séances du Congrès, soit dans les nombreuses réunions particulières des divers groupes, journalistes, médecins, professeurs, avocats, mathématiciens, etc. ; non seulement il a été déclamé et chanté dans les représentations théâtrales et les concerts où les congressistes se distrayaient chaque soir après les travaux de la journée ; mais il a été pendant une journée entière la seule langue d’une véritale cité improvisée, où près de mille personnes, venues de plus de vingt contrées différentes, ont vécu séparées du reste du monde mais unies entre elles par le commun usage de l’idiome de Zamenhof. Cette curieuse expérience a eu lieu le jeudi 30 août, à l’occasion de l’excursion à Vevey. Ce jour-là les congressistes, au nombre de plus de neuf cents, se sont embarqués dès le matin sur le Winkelried où seuls le capitaine et les matelots ignoraient l’Esperanto, et pendant la traversée, à l’aller comme au retour, Français, Anglais, Allemands, Russes, Suédois, Espagnols, Italiens, Tchèques, Hongrois, Finlandais, etc., ont eu à chaque instant l’occasion de s’aborder, de faire connaissance les uns avec les autres, de s’entretenir des sujets les plus divers, sans être à aucun moment gênés par la diversité de leurs langues nationales ; car ils ne parlaient tous qu’une seule et même langue, et dans le navire qui les portait sur le lac Léman ils pouvaient se faire l’illusion qu’ils n’étaient plus en Suisse, ni même en Europe, mais dans quelque île flottante d’un idéal pays d’Esperanto. La preuve est donc désormais acquise de la possibilité d’une entente, par le moyen d’une langue internationale auxiliaire, entre des hommes parlant dans leurs pays des langues absolument dissemblables.

L’an prochain, le Congrès doit se réunir en Angleterre, vraisemblablement à Cambridge, en attendant qu’il se réunisse en 1908 en Allemagne, à Francfort-sur-le-Mein ; car l’impulsion est maintenant trop forte pour que le mouvement puisse s’arrêter, et l’Esperanto est visiblement en marche pour faire le tour du