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VIII

procède d’une conception surannée et n’est qu’un effort laborieux et sincère, mais plutôt malheureux pour expliquer par le sémitique ce qui n’est pas sémitique le moins du monde. Enfin, rien ne permet de croire que l’égyptien ait influé sur le grec à l’époque ancienne, et quant aux langues de la péninsule des Balkans, le macédonien, dont on n’a que des gloses, a subi l’influence grecque plutôt qu’il n’a imposé la sienne, et le thrace, dont on sait tout au plus qu’il est indo-européen, ne nous a rien laissé qui autorise la moindre conclusion. L’onomastique ou étude des noms propres a tout au moins prouvé que la plupart des noms de lieux de la Grèce sont rebelles à l’étymologie hellénique ; des coïncidences avec les finales de noms de lieux du sud de l’Asie mineure feraient supposer que les populations des deux rives de la mer Égée et des îles parlaient une même langue à l’époque de l’invasion des Hellènes, mais on ne peut actuellement aller au-delà.[1]Tout ce qu’on peut et qu’on doit affirmer, c’est que les Grecs ont charrié avec eux un grand nombre de mots empruntés aux populations qu’ils ont traversées ou absorbées ou dont ils ont subi l’action eux-mêmes, et les mots « égéen » ou « méditerranéen » sont commodes pour caractériser ces vocables, sans qu’il faille s’exténuer à leur trouver un étymon que l’avenir rendra peut-être ridicule[2].

Il n’importe. Le dernier tiers de siècle a été fécond, et, malgré le respect tout relatif et le scepticisme que rencontrent auprès de certain public et en divers pays les études helléniques, rien ne fait prévoir que le travail de mise au point connaîtra de si tôt un ralentissement. L’application de la méthode comparative a rajeuni et fortifié l’étude de la langue. On est loin en effet, et fort heureusement, du temps

  1. Sur certaines de ces questions voy. notamment P. Kretschmer, Einleitung in die Geschichte der griechischen Sprache (1896), Aug. Fick, Vorgriechische Ortsnamen als Quelle für die Vorgeschichte Griechenlands (1905) et Hattiden und Danubier in Griechenland (1908).
  2. Cf., dans le beau livre récent d’Ant. Meillet, Aperçu d’une histoire de la langue grecque (1913), le chap. III de la première partie, intitulé : Le grec et les langues voisines.