Page:Boissier - Cicéron et ses amis.djvu/323

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son ami, se moque un peu de lui, quand il nous montre ce grand pacificateur partant avec son petit secrétaire, après avoir repassé toutes ses rubriques de juriste, pour s’entremettre entre les partis, au moment où les partis ne demandent qu’à se détruire.

César avait toujours pensé que Sulpicius n’était pas d’un caractère à lui opposer une grande résistance, et il avait travaillé de bonne heure à se l’attacher. Il commença par se faire un allié dans sa maison, et un allié puissant. On disait beaucoup dans Rome que le bon Sulpicius se laissait mener par sa femme Postumia. Cicéron, qui aime à redire les méchants bruits, nous le laisse plusieurs fois entendre. Or, Postumia n’avait pas la réputation d’être sans reproches, et Suétone place son nom dans la liste de celles qui furent aimées de César. Elle se trouve là en très nombreuse compagnie ; mais ce volage, qui passait si vite d’une maîtresse à l’autre, avait ce privilège singulier, que toutes les femmes qu’il délaissait n’en restaient pas moins ses amies dévouées. Elles lui pardonnaient ses infidélités, elles continuaient à s’associer à tous ses succès, elles mettaient au service de sa politique ces prodigieuses ressources de finesse et d’obstination qu’une femme qui aime est seule capable de trouver. C’est sans doute Postumia qui décida Sulpicius à travailler pour César pendant tout le temps qu’il l’ut consul, et à s’opposer aux emportements de son collègue Marcellus, qui voulait qu’on nommât un autre gouverneur des Gaules. Cependant, malgré toutes ses faiblesses, Sulpicius n’en était pas moins un républicain sincère, et quand la guerre eût éclaté, il se déclara contre César et quitta l’Italie. Après la défaite, il se soumit comme les autres, et il avait repris ses occupations ordinaires quand César l’alla chercher dans sa retraite pour lui donner la Grèce à gouverner.

Il était certainement impossible de trouver un gouver-