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MORCEAUX INÉDITS.

justice, quelque amer que soit pour eux le lendemain de la fête. Mais il nous faut tous deux, réglant entre nous avec équité nos dissentiments, ourdir la trame d’un heureux avenir. Tu le sais, la même mère donna le jour à Créthée et à l’audacieux Salmonée : et nous, qu’éclairent les puissants rayons de ce soleil d’or, nous sommes de ces héros les troisièmes descendants. Des familles que divise la haine, les Parques s’éloignent pour cacher la rougeur de leur front. Il est indigne de nous deux d’employer les javelots et les glaives acérés au partage des vastes domaines laissés par nos aïeux. Moi je t’abandonne et les brebis et les troupeaux de blondes génisses, et toutes les campagnes qui, enlevées par toi à mes parents, accroissent ton opulence. Je vois sans douleur toutes ces richesses acquises à ta maison. Mais le royal sceptre, mais le trône sur lequel assis le fils de Créthée rendait la justice à ce peuple guerrier, rends-le-moi, pour prévenir nos communs ennuis et les malheurs nouveaux dont ils seraient la cause. »

Ainsi parla Jason, et Pélias lui répondit avec douceur :

« Je serai pour toi tel que tu le désires. Mais déjà m’enferme le cercle du vieil âge, tandis que la jeunesse, en ta fleur, fait bouillonner ton sang. Tu peux détourner la colère des divinités infernales. Phrixos, en effet, m’ordonne d’aller au pays d’Éétès pour y recueillir son âme et rapporter l’épaisse toison du bélier par qui jadis il fut sauvé des vagues et des poignards impies d’une marâtre. Un songe miraculeux m’a donné cet avis. Pour obtenir quelque lumière J’ai consulté l’oracle de Castalie. Il veut qu’en toute hâte j’envoie un navire vers ces bords lointains. Consens à te charger de cette périlleuse entreprise, et je t’abandonnerai, je le jure, et le sceptre et l’empire. Que le puissant Jupiter, notre commun ancêtre, soit témoin